Vous avez déjà lu son nom sur OffBikes : Thibaut Gourin, pilote Français en FSBK l’année dernière, terminait la saison 2013 sur la troisième marche du podium du Trophée Pirelli 600. Pour cette nouvelle saison, Thibaut a de nouveau choisi OffBikes pour suivre son aventure en CEV, Championnat Européen de Vitesse, pour lequel il est inscrit en catégorie Moto2/Stock600. Il roulera sur une Yamaha R6 dont les couleurs originales, imaginées par l’artiste peintre Patrice Murciano, devraient marquer les paddocks Espagnols.
À l’occasion des premiers tests CEV à Aragon, et suite à sa soirée de présentation de saison, nous avons interrogé Thibaut à propos de ses objectifs. Entre découverte, appréhension et excitation, bilan de la trêve hivernale avant la première course à Jerez début Avril.
Propos recueillis par : Line.
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- Tu es allé effectuer des tests sur le circuit d’Aragon pour préparer ta saison. C’était ta première fois là-bas, peux tu nous raconter comme ça s’est passé ?
J’ai passé trois jours sur place en tout. Les deux premiers jours étaient des journées de roulages classiques, non spécifiques au CEV, donc j’étais un peu moins sous pression que le troisième jour. Il y avait quand même de grands pilotes avec un niveau énorme, dont des pilotes du Championnat du Monde, c’était un plaisir de rouler avec eux. Pour moi, la première journée était celle de la découverte : je ne connaissais pas le circuit, et puis la moto était très différente, avec beaucoup plus d’électronique que l’année dernière, de nouveaux pneus, une nouvelle suspension Ohlins qu’il fallait rôder… C’était donc un jour de test, et les premières sorties m’ont servies à prendre mes marques, d’autant que ça faisait presque 5 mois que je n’avais pas roulé – à part 2 jours sur le circuit d’Alès.
- Sur quoi as-tu travaillé principalement ?
La première sortie était sur le séchant, et le deuxième sur le sec. Mais étrangement, la moto était inconduisible : l’avant n’était jamais au sol, ça guidonnait en permanence, et on a dû travailler beaucoup sur le châssis pour modifier ça, et ça nous a pris quasiment la journée.
Le deuxième jour, alors que le châssis allait mieux, on a rencontré des problèmes de pneus qu’on ne comprenait pas. Le pneu avant qu’on avait mis la veille tenait encore, ce qui était déjà étrange, alors que le pneu arrière tenait à peine 6 tours et se déchirait complètement… Du coup, on a joué sur les pressions, essayé de changer les réglages des amortisseurs, de modifier mon pilotage, on a tout fait en fonction des pneus. Et le soir, lorsque le camion Michelin est arrivé et qu’on est allé leur poser la question, surprise : les pneus – qui nous avaient été offerts – ne correspondaient pas du tout. Le pneu avant était un pneu de 1000cc d’Endurance – d’où sa durée de vie improbable, et le pneu arrière était un pneu de qualification ! On a donc acheté les pneus adaptés pour la troisième journée, celle des tests officiels CEV. Mais j’étais un peu déçu, parce que j’avais l’impression d’avoir perdu deux jours à travailler dans le vide.
Le troisième jour les conditions de roulage étaient meilleures, il n’y avait que des pilotes très rapides et le rythme global était bon. Je pouvais réellement observer les trajectoires des autres, prendre leurs roues, et j’ai eu la sensation d’apprendre beaucoup.
- Es-tu satisfait de l’ensemble ?
En partant oui, j’étais satisfait car je suis arrivé à un setting de la moto à peu près correct en prévision de la course d’Aragon : le châssis était plutôt bien, l’avant beaucoup mieux. Après, je dois continuer à apprendre à utiliser ces nouveaux pneus, qui sont totalement différents des Pirelli. Ce sont des slicks, donc des vrais pneus de compétition, et ils nécessitent une mise en température parfaite pour être efficaces. Du coup, ils demandent beaucoup plus d’attention et de gestion, et comme nous ne sommes que trois – mon père, mon mécanicien et moi, ça n’est pas facile à gérer.
J’ai aussi fait une simulation de course lors de ma dernière sortie, qui était plutôt pas mal même si je l’ai terminée en tombant en panne d’essence !
- Est-ce que cela t’a donné une idée du niveau de la catégorie Moto2/Stock600 en CEV ?
Pas exactement. En Stock600, nous n’étions que trois, un Suisse, une Américaine et moi. Le Suisse roulait très fort, l’Américaine beaucoup moins. Mais lui, je n’ai pas vu son nom sur la liste des inscrits… Pareil pour la Moto2, il y avait énormément de monde mais je suis incapable de dire lesquels seront là pour le Championnat. Du coup, oui, ça roulait très vite globalement, mais est-ce que tous ces gens seront sur la grille à Jerez ? Je n’en ai aucune idée. Quoi qu’il en soit, entre les pilotes de mondial et les autres, le niveau était très impressionnant, et ça me change beaucoup.
- Tu as parlé de prendre des roues, qui as-tu pu observer ?
On va dire que j’ai essayé, en tout cas (rires) ! J’ai pu suivre Johann Zarco durant deux virages, même chose pour Luis Salom… Le problème, c’est qu’il y avait principalement des Moto2, et c’est très difficile de les suivre avec une Stock600 : la vitesse de pointe est à peu près la même, mais elles rentrent beaucoup plus vite dans les virages et déclenchent beaucoup plus tard car elles tournent plus facilement. Mais juste en les observant, pour ce qui est des trajectoires et du style, je pense vraiment avoir appris beaucoup.
Par exemple, j’ai appris à être plus régulier, pas au chrono mais dans mes gestes : sur un circuit ou le tour fait plus de deux minutes, c’est difficile d’être régulier, mais au niveau du pilotage, j’ai appris à être plus “automatique”, plus répétitif, plus propre.
- En termes d’apprentissage du circuit, tu as rencontré des difficultés ?
Pour être honnête, ça n’a jamais été mon point fort. Là, j’avais trois jours devant moi donc j’ai pu envisager ça plus tranquillement, mais à Jerez ce sera une autre histoire car je ne fais pas les tests, donc il faudra l’apprendre durant les séances d’essais, et il n’y en a que deux avant les qualifications. Du coup, je m’entraîne beaucoup sur la console en jouant à MotoGP13, mais c’est loin d’être suffisant (rires) ! Ça dégrossit beaucoup le travail, mais une fois sur place, on a toujours l’impression que c’est encore un autre circuit… Disons qu’au moins on sait où et dans quel sens ça tourne.
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- Est-ce que tu appréhendes un peu cette première course ?
Je mentirais si je disais que non. C’est mon premier Championnat en Europe, et j’ai beau être prêt, je sais que je manque de roulage principalement par manque de moyens. Mais au delà de ça, je me sens prêt, je m’entraîne, physiquement je suis très bien, mentalement pas trop mal, donc je pense qu’il faut vraiment que j’y aille dans l’optique de faire de mon mieux, et pas avec un objectif de résultat. Comme je n’ai aucune idée du niveau de mes concurrents, je suis incapable de me placer pour l’instant, donc je ne peux pas me fixer de résultats précis, et finalement ça n’est pas plus mal. Ce sera une course de découverte où je vais donner le meilleur de moi-même, et c’est tout. C’est à la fois effrayant et excitant !
Et puis c’est mon état d’esprit général de toute façon : tenter et voir ce que ça donne. C’est la raison pour laquelle j’ai quitté le Championnat de France, je suis jeune et j’avais envie d’essayer de voir ce que ça donnerait ailleurs. J’ai bien travaillé cet hiver, j’ai une bonne moto dans l’ensemble, donc en dehors du fait que je ne connais rien au circuit ou au Championnat, je ne vois pas pourquoi ça devrait mal se passer. Un circuit, ça s’apprend, donc il faudra vraiment que je me concentre là-dessus, et on verra.
- Prévois-tu de faire la saison complète en CEV ?
Non, budgétairement pour l’instant, je ne suis en mesure que de faire la première course. À la base, on pensait faire les tests et les courses, puis seulement les courses, et c’est devenu seulement Jerez. C’est vraiment très difficile. Après, il y a deux mois de trêve, Avril et Mai, durant lesquels nous allons tout faire pour trouver de quoi financer deux autres courses, Aragon et Barcelone ou Albacete. Ça nous demande énormément de travail, et surtout à mes parents qui y consacrent énormément de temps. En ce moment, ils en oublient presque tout le reste ! Mais la chance que j’ai c’est qu’ils ne me mettent pas de pression de résultat pour autant.
Comme je l’ai dit à mon père, je préfère de toute façon ne faire que trois courses avec leur entraînement respectifs, et essayer d’y faire de bon résultat pour me faire remarquer, plutôt que de faire toutes les courses sans jamais avoir roulé sur les circuits auparavant, et être en fond de grille ou en demi-teinte toute la saison. Donc si on trouve le budget pour ces trois courses là, je serai pleinement satisfait.
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- Dans le but de réunir un budget plus conséquent, tu as organisé une soirée de présentation de ta saison assez originale au début du mois de Mars. Quel était le concept ?
J’ai fait la rencontre d’un artiste peintre, Patrice Murciano, qui vit comme moi à Montpellier et dont la carrière est en plein buzz en ce moment. Dès qu’il voit quelque chose de blanc ou de vierge, il a envie d’y mettre de la couleur, et la plupart du temps c’est sur des toiles qu’il le fait. Comme on le connaissait, on lui a présenté ma moto, qui n’avait pas de déco, et il a eu envie de faire quelque chose dessus. Du coup, je me suis dit pourquoi pas. Dans la mesure où on est de toute façon en pleine conquête d’un terrain inconnu, on s’est dit qu’autant jouer la carte de l’originalité. Par la suite, on a pensé à organiser une soirée pour montrer le résultat à nos proches et à nos partenaires, et Patrice a proposé de mettre en ventre certaines de ses toiles au profit de ma saison. La soirée est donc devenue une bonne occasion de collecter des fonds, même si ce n’était pas le motif principal. Elle a eu lieu dans la nouvelle concession YAM34 à Lattes, tenue par Marc Sampietro, qui m’aide déjà depuis 2 ans.
L’idée, c’était surtout de faire venir des gens de tous horizons, pas seulement du milieu de la moto, pour leur montrer ce qu’on faisait réellement et leur donner envie de me suivre.
- Et quel bilan fais-tu de cet événement ?
Positif ! Ce que j’ai aimé, c’est qu’elle a permis d’ouvrir les yeux sur ce qu’est vraiment la compétition moto à des gens qui n’y connaissent pas grand-chose. C’est parfois difficile de démarcher des sponsors quand on dit qu’on fait de la moto, car c’est un sport qui véhicule beaucoup de préjugés négatifs. Alors lorsqu’on leur fait découvrir que c’est un milieu très professionnel, plus proche de la Formule 1 que du pack de bière sur une Harley Davidson, ça ne peut qu’être intéressant pour nous. Parfois, c’est le cliché inverse : ça me fait rire de voir que certains pensent que j’ai un agent et que je vais sur les courses en avion privé (rires)… Et bien non, pour ma part on gère une saison en Championnat d’Europe à 3 et dans un camping-car.
Donc un bilan positif parce que je pense avoir vraiment fait découvrir quelque chose d’inattendu à des gens de tous horizons.
Après, bien sûr, il y avait quand même des personnes de la moto comme Alain Bronec ou Eric Offenstadt, du projet GECO. Beaucoup de gens sont derrière moi et je ne sais même pas comment les remercier !
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Nous remercions Thibaut Gourin pour sa disponibilité et pour avoir répondu à nos questions. N’hésitez pas à le suivre et à le soutenir dans cette nouvelle aventure sur sa page Facebook et son compte Twitter !